La récente forte condamnation liée à l’ e-réputation d’une personne amène de nouvelles perspectives pour les victimes dans ce type d’affaires. Devant la multiplication des infractions et des atteintes dans cette affaire, de nouvelles incriminations ont été retenues par le juge. Les avocats de victimes pourront entre autres déterminer précisément l’incrimination pertinente. Certaines peines prononcées pourraient également être dissuasives pour les personnes tentées d’agir comme la personne accusée.
La première forte condamnation pénale assortie de dommages et intérêts dans une affaire liée à l’e-réputation a été récemment rendue publique par le site Legalis.net. Le jugement du Tribunal correctionnel de Paris date du 24 novembre 2014.
Les peines sont lourdes pour la personne jugée : deux ans de prison avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve, assortie de l’obligation de fixer sa résidence, d’exercer une activité professionnelle ou d’en chercher une, de se faire suivre au niveau psychologique ou psychiatrique, et de verser aux différentes victimes 50 000 € de dommages-intérêts et 27 000 € au titre des frais de justice engagés.
Pourquoi une condamnation aussi forte dans une affaire liée à l’e-réputation ? Dans cette affaire, une femme avait utilisé des moyens technologiques pour exécuter son plan sournois. Elle avait usurpé l’identité de son ex-amant, créé des dizaines de profils Facebook, Viadeo, Twitter et LinkedIn, à partir desquels elle conversait avec ses clients. Elle s’était servie de Facebook pour contacter l’ensemble de son réseau pour le dénigrer. Elle avait également, entre autres, envoyé 849 SMS d’insultes, de menaces personnelles et professionnelles à son ex-amant.
Malgré le classement de l’affaire sous condition que la personne se tienne tranquille, celle-ci avait continué ses agissements, ce qui a expliqué la gravité des condamnations.
Cette forte condamnation liée à l’e-réputation est une première, devant la multiplication et des atteintes, sous réserve que le jugement soit confirmé prochainement par la cour d’appel de Paris. Cela va entraîner des conséquences dans les affaires liées à l’e-réputation.
Dans cette affaire exceptionnelle, devant la multiplication des incriminations, le juge a pu réaliser un travail de qualification juridique. De nouvelles incriminations au titre de l’e-réputation ont ainsi été étudiées : notamment tout ce qui concerne les dénonciations calomnieuses, les tentatives de chantage et l’usurpation d’identité.
En termes d’e-réputation, de nouvelles perspectives juridictionnelles sont ouvertes pour les défenseurs devant les tribunaux. « Il y a des incriminations auxquelles on ne pense pas nécessairement qui sont retenues ici et caractérisées par le juge », commente Marie Soulez, spécialiste de la protection de la vie privée et du droit à l’image au sein du cabinet Alain Bensoussan-Avocats, contactée par Reputation VIP. « Par exemple, la violence a été retenue à raison de la multiplication des messages à caractère injurieux adressés. Il est vrai qu’on ne pense pas nécessairement à la violence dans le cas de l’e-réputation, alors que tous les critères peuvent être réunis quand il y a vraiment un harcèlement et que cela a un impact réel sur la personne qui est harcelée. »
Généralement dans ce genre d’affaire entre conjoints dans le cadre des procédures de divorce ou autres, « les faits incriminés sont des usurpations d’identité, des actes de diffamation ou des atteintes aux systèmes de traitement automatique des données utilisées lorsque l’un des anciens conjoints se connecte au compte de son ex conjoint pour obtenir des informations sur sa vie privée ».
Quels sont les autres changements à attendre pour les victimes avec ce jugement exceptionnel ?
« Pour les avocats, ce jugement va permettre d’appréhender de façon précise l’incrimination pertinente précisément pour un panel large d’actes répréhensibles », développe Marie Soulez. « Lorsque les avocats déposent plainte ils s’efforcent en effet de restituer aux faits, dès le stade de la plainte, leur qualification juridique. Une erreur n’est toutefois pas déterminante puisque, sauf en ce qui concerne les faits de diffamation ou d’injure, les juges, à l’issue de l’instruction ou lors dans le cadre du jugement, peuvent requalifier.
En ce qui concerne les condamnations, ce jugement donne un ordre d’idée pour les condamnations civiles (dommages et intérêts aux victimes). En revanche, les condamnations à des peines d’amendes ou d’emprisonnement sont requises par le ministère public, seul juge de l’opportunité des poursuites. »
La lourdeur des dommages-intérêts (pour l’accusée, verser aux différentes victimes 50 000 € de dommages-intérêts et 27 000 € au titre des frais de justice engagés) dans cette affaire pourrait par exemple jouer un rôle dissuasif pour toutes les personnes tentées de pratiquer ces méfaits.
Si cette procédure est le fruit d’un long aboutissement, les procédures au pénal pouvant être très longue, il ne faut pas oublier qu’il existe tout un panel de procédures d’urgence qui permettent de bénéficier des mesures rapides sans attendre que le jugement soit rendu sur le fond.
« Il y a énormément de procédures d’urgence, au pénal ou au civil, qui permettent non pas d’obtenir une décision définitive et une décision de condamnation mais au moins que soit mise en place des mesures propres à garantir une certaine sécurité. Des mesures d’éloignement peuvent être prises, ou des mesures provisoires de dommages et intérêts. Au civil, on peut demander la suppression d’un contenu parce qu’il porte atteinte à la réputation ou parce qu’il s’agit d’une usurpation d’identité. »